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roman à l’avance durant une année, et puis deux ou trois mois pour copier et corriger, ce serait autre chose, j’en réponds. » Illusion, peut-être ? Qui peut le dire ? Grâce à plus de loisir, qu’eût-il pu obtenir ? Que cherchait-il encore ? — Une plus grande simplicité, sans doute ; une plus parfaite subordination des détails… Tels qu’ils sont, ses meilleurs ouvrages atteignent, en presque chaque partie, un point de précision et d’évidence qu’on imagine difficilement dépassé.

Pour en arriver là, que d’efforts ! « Il n’y a que les endroits d’inspiration qui viennent tout d’un coup, à la fois, mais le reste est un travail très pénible. » À son frère qui sans doute lui avait reproché de ne pas écrire « assez simplement », croyant dire ainsi : assez vite, et de ne pas « se laisser aller à l’inspiration », il répondait, encore jeune : « Tu confonds évidemment l’inspiration, c’est-à-dire la création première, instantanée du tableau ou le mouvement de l’âme (ce qui arrive souvent), avec le travail. Ainsi, par exemple, j’inscris une scène aussitôt, telle qu’elle m’est apparue, et j’en suis enchanté ; ensuite, pendant des mois, pendant un an, je la travaille… et crois-moi, le résultat est bien meilleur. Pourvu que l’inspiration vienne. Naturellement, sans inspiration, rien ne peut se faire. » — Dois-je m’excuser de tant citer — ou ne me saura-t-on gré bien plutôt de céder la parole à Dostoïevsky le plus souvent possible ? « Au commencement, c’est-à-dire vers la fin de