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— Comment, le général ? questionna Lebedeff, feignant de ne pas comprendre.

— Ah ! mon Dieu, je vous demande ce qu’a dit le général quand vous avez retrouvé le portefeuille sous la chaise. Précédemment, vous l’aviez cherché à deux.

— Précédemment, oui. Mais cette fois, je l’avoue, je me suis tu et j’ai préféré lui laisser ignorer que le portefeuille avait été retrouvé par moi tout seul.

— Mais… pourquoi donc ?… Et l’argent n’avait pas disparu ?

— J’ai visité le portefeuille, tout y était, il ne manquait pas un rouble.

— Vous auriez dû venir me le dire, observa pensivement le prince.

— Je craignais de vous déranger, personnellement, prince, au milieu de vos impressions personnelles, et, peut-être extraordinaires, si je puis m’exprimer ainsi. D’ailleurs, moi-même, j’ai fait semblant de n’avoir rien trouvé. Après m’être assuré que la somme était intacte, j’ai fermé le portefeuille et je l’ai remis sous la chaise.

— Mais pourquoi donc ?

Lebedeff se mit à rire.

— Pour rien ; parce que je voulais pousser plus loin mon enquête, répondit-il en se frottant les mains.

— Ainsi il est encore là maintenant, depuis avant-hier ?

— Oh, non ! il n’est resté là que vingt-quatre heures ! Voyez-vous, jusqu’à un certain point, je désirais que le général le trouvât aussi. Car, me disais-je, si j’ai fini par le découvrir, pourquoi le général n’apercevrait-il pas aussi un objet qui, pour ainsi dire, saute aux yeux, qu’on voit parfaitement sous la chaise ? Plusieurs fois j’ai pris