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ne m’était pas encore arrivé. Maria Ivanovna doucement essayait de m’apaiser. Le menuisier fit lui-même le cercueil. On ensevelit Arinia… Je ne puis oublier ces choses.

Cette aventure me donna à réfléchir. Sans doute Arinia ne m’avait pas coûté grand argent : en tout, pension, médecin, cercueil, funérailles, fleurs — trente roubles. Je récupérai cette somme vers le temps de mon départ de Moscou, en réalisant une économie sur les quarante roubles que Versiloff m’avaient envoyés pour le voyage et en vendant quelques menus objets. Ainsi mon capital restait intact. « Mais, me disais-je, à baguenauder ainsi dans les sentiers je n’irai pas loin. » De mon aventure avec l’étudiant résultait ceci : que l’ « idée » pouvait tout obscurcir autour de moi, et me faire perdre le sens de la réalité ; de mon aventure avec Arinia, que les intérêts essentiels de l’ « idée » étaient à la merci d’une crise de sentimentalisme. Conclusions contradictoires, mais l’une et l’autre justes.