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une question — si vous le voulez bien, s’entend. Vous êtes parfaitement libres !

— Quelle question, quelle question ? cria-t-on de toute part.

— Une question après laquelle on saura si nous devons rester ensemble ou prendre silencieusement nos chapkas et aller chacun de notre côté.

— La question, la question ?

— Si l’un de vous avait connaissance d’un assassinat politique projeté, irait-il le dénoncer, prévoyant toutes les conséquences, ou bien resterait-il chez lui à attendre les événements ? Sur ce point, les manières de voir peuvent être différentes. La réponse à cette question dira clairement si nous devons nous séparer, ou rester ensemble et pas seulement durant cette soirée[1].

Et Pierre Stépanovitch commence à interroger en particulier plusieurs des membres de cette société secrète. On l’interrompt.

— Inutile de questionner, tous répondront de même, il n’y a pas ici de délateur !

— Pourquoi ce monsieur se lève-t-il ? crie une étudiante.

— C’est Chatoff. Pourquoi vous êtes-vous levé ? demanda Mme Virguinsky.

Chatoff s’était levé, en effet. Il tenait sa chapka à la main et regardait Verkhovensky. On aurait dit qu’il voulait lui parler, mais qu’il résitait. Son visage était pâle et irrité. Il se contint toutefois, et, sans proférer un mot, se dirigea vers la porte.

— Cela ne sera pas avantageux pour vous, Chatoff ! lui cria Pierre Stépanovitch.

Chatoff s’arrêta un instant sur le seuil :

  1. Possédés, II, pp. 83 et 84.