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Mahomet était épileptique, épileptiques les prophètes d’Israël ; et Luther, et Dostoïevsky. Socrate avait son démon, saint Paul la mystérieuse « écharde dans la chair », Pascal son gouffre, Nietzsche et Rousseau leur folie.

Ici, j’entends ce que l’on pourrait dire « Ce n’est pas neuf. C’est proprement la théorie de Lombroso ou de Nordau : le génie est une névrose. » Non, non ; ne me comprenez pas trop vite, et permettez-moi d’insister sur ce point qui me paraît d’une extraordinaire importance :

Il y a des génies parfaitement bien portants, comme Victor Hugo, par exemple : l’équilibre intérieur dont il jouit ne lui propose aucun nouveau problème. Rousseau, sans sa folie, ne serait sans doute qu’un indigeste Cicéron. Qu’on ne vienne pas nous dire : « Quel dommage qu’il soit malade ! » S’il n’était pas malade, il n’aurait point cherché à résoudre ce problème que lui proposait son anomalie, à retrouver une harmonie qui n’exclue pas sa dissonance. Certes, il y a des réformateurs bien portants ; mais ce sont des législateurs. Celui qui jouit d’un parfait équilibre intérieur peut bien apporter des réformes, mais ce sont des réformes extérieures à l’homme : il établit des codes. L’autre, l’anormal, tout au contraire échappe aux codes préalablement établis.

    tulé : la Folie de Jésus-Christ, où il tend à nier l’importance du Christ et du christianisme, en prouvant que le Christ était fou, qu’il avait une tare physiologique.