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et de participer au sentiment confus de la vie universelle.

Le premier effet de cette nouvelle naissance, c’est de ramener l’homme à l’état premier de l’enfance : « Vous n’entrerez pas dans le royaume de Dieu, si vous ne devenez semblables à des enfants. » Et je vous citais à ce propos cette phrase de La Bruyère : « Les enfants n’ont ni passé, ni avenir, ils vivent dans le présent », ce que l’homme ne sait plus faire.

« Dans ce moment, disait Muichkine à Rogojine, il me semble que je comprends le mot extraordinaire de l’apôtre : « Il n’y aura plus de temps. »

Cette participation immédiate à la vie éternelle, je vous disais que déjà nous l’enseignait l’Évangile où les mots : « Et nunc, dès à présent », reviennent sans cesse. L’état de joie dont nous parle le Christ est un état, non point futur mais immédiat.

— Vous croyez à la vie éternelle dans l’autre monde ?

— Non, mais à la vie éternelle dans celui-ci. Il y a des moments, vous arrivez à des moments où le temps s’arrête tout d’un coup pour faire place à l’éternité.

Et Dostoïevsky, vers la fin des Possédés, revient encore sur cet étrange état de félicité où parvient Kiriloff.

Lisons ce passage qui nous permet de pénétrer plus avant dans la pensée de Dos-