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admirable petit livre, le Mariage du Ciel et de l’Enfer :

Cet ange, qui maintenant est devenu démon, est mon ami particulier : ensemble nous avons souvent lu la Bible dans son sens infernal ou diabolique, celui même qu’y découvrira le monde, s’il se conduit bien.

De même, je me suis rendu compte, aussitôt sorti de cette salle, qu’en vous citant quelques-uns des plus étonnants Proverbes de l’Enfer de William Blake, j’avais omis de vous donner lecture intégrale du passage des Possédés qui motivait ces citations. Permettez-moi de réparer cet oubli. Au surplus, dans cette page des Possédés, vous pourrez admirer la fusion (et la confusion aussi) des divers éléments que je tentais de vous indiquer dans mes conversations précédentes, et tout d’abord : l’optimisme, ce sauvage amour de la vie, — que nous retrouvons dans toute l’œuvre de Dostoïevsky, — de la vie et du monde entier, de « cet immense monde de délices » dont parle Blake, où habite aussi bien le tigre que l’agneau[1].

— Vous aimez les enfants ?

— Je les aime, dit Kiriloff, d’une façon assez indifférente du reste.

— Alors vous aimez aussi la vie ?

— Oui, j’aime aussi la vie. Cela vous étonne ?

  1. Possédés, I, pp. 256, et suiv.