Page:Gide - Dostoïevsky, 1923.djvu/202

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dans le feu de la conversation, Pierre Stépanovitch se rapprocha de Stavroguine et le saisit par le revers de la redingote (peut-être le fit-il exprès), mais un coup violent, appliqué sur son bras, l’obligea à lâcher prise.

— Eh bien ! qu’est-ce que vous faites ? Prenez garde, vous allez me casser le bras[1].

(Ivan Karamazoff aura des brutalités semblables vis-à-vis de Smerdiakoff.)

Et plus loin :

Nicolas Vsévolodovitch, parlez comme vous parleriez devant Dieu : êtes-vous coupable, oui ou non ? Je le jure, je croirai à votre parole, comme à celle de Dieu, et je vous accompagnerai jusqu’au bout du monde, oh ! oui, j’irai partout avec vous ! Je vous suivrai comme un chien[2]

Et enfin :

— Je suis un bouffon, Je le sais, mais je ne veux pas que vous, la meilleure partie de moi-même, vous en soyez un[3] !

L’être intellectuel est heureux de dominer l’autre, mais tout à la fois il reste exaspéré par cet autre, qui lui présente dans son action maladroite comme une caricature de sa propre pensée.

La correspondance de Dostoïevsky nous renseigne sur l’élaboration de ses œuvres, et

  1. Possédés, p. 223.
  2. Ibid., p. 230.
  3. Ibid., II, p. 232.