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état que cet état vague, disponible, à la merci de toute influence extérieure, que peut-il en résulter, sinon la complète anarchie ? L’on nous a dit, l’on nous a répété souvent ces derniers temps que c’est là l’aboutissement fatal de la doctrine de Dostoïevsky. La discussion de cette doctrine pourrait nous entraîner très loin, car j’entends d’avance les protestations que je pourrais soulever, si je venais vous affirmer : Non, ce n’est pas à l’anarchie que nous mène Dostoïevsky, mais simplement à l’Évangile. Car il est nécessaire ici de nous entendre. La doctrine chrétienne, telle qu’elle est contenue dans l’Évangile, ne nous apparaît ordinairement, à nous Français, qu’à travers l’Église catholique, que domestiquée par l’Église. Or, Dostoïevsky a horreur des églises, de l’Église catholique en particulier. Il prétend recevoir directement et uniquement de l’Évangile l’enseignement du Christ, et c’est précisément ce que n’admet point le catholique.

Nombreux sont les passages de ses lettres contre l’Église catholique. Accusations si violentes, si péremptoires, si passionnées que je n’ose vous en donner ici lecture ; mais qui m’expliquent et me font comprendre mieux l’impression générale que je retrouve à chaque nouvelle lecture de Dostoïevky : je ne connais point d’auteur à la fois plus chrétien et moins catholique.

— Mais précisément, s’écrieront les catho-