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justice, aussi longtemps qu’il continue d’être cette volonté.

Mais le pessimisme (qui parfois peut paraître presque postiche dans Schopenhauer) fait place dans Dostoïevsky a un optimisme éperdu :

Donnez-moi trois vies, elles ne me suffiraient pas encore[1].

fait-il dire à un personnage de l’Adolescent.

Et encore dans ce même livre :

Tu as un tel désir de vivre que, si l’on te donnait trois existences, elles ne suffiraient pas encore[2].

Je voudrais entrer avec vous plus avant dans cet état de béatitude que Dostoïevsky nous peint, ou nous laisse entrevoir, dans chacun de ses livres, état où disparaît avec le sentiment de la limite individuelle celui de la fuite du temps.

Dans ce moment, dira le prince Muichkine, il me semble que j’ai compris le mot extraordinaire de l’apôtre : Il n’y aura plus de temps[3].

Lisons encore cet éloquent passage des Possédés :

— Vous aimez les enfants ? demanda Stavroguine.

  1. L’Adolescent, p. 78.
  2. Ibid., p. 145.
  3. Idiot, p. 298.