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ments n’ont pas de prise sur elle ; ils ne l’intéressent pas. À l’appui de cela, quel meilleur exemple trouver que celui des guerres ? On a fait des enquêtes à propos de la terrible guerre que nous venons de traverser. On a demandé à des littérateurs quelle importance elle avait, elle leur semblait avoir, quel retentissement moral ; quelle influence sur la littérature ?… La réponse est bien simple : cette influence est nulle — ou à peu près.

Voyez plutôt les guerres de l’Empire. Cherchez à découvrir leur retentissement dans la littérature ; cherchez en quoi l’âme humaine a pu en être modifiée… Il y a certes des poèmes de circonstance sur l’épopée napoléonienne, comme il y en a maintenant en très grand nombre, en trop grand nombre, sur cette dernière guerre ; mais le retentissement profond, la modification essentielle ? Non ! ce n’est pas un événement qui les peut provoquer, si tragique, si considérable soit-il ! Par contre, pour la Révolution française, il n’en va pas de même. Mais nous n’avons pas affaire ici à un événement uniquement extérieur ; ce n’est pas à proprement parler un accident : ce n’est pas un traumatisme, si je puis dire. L’événement ici naît du peuple lui-même ; l’influence qu’a eue la Révolution française sur les écrits de Montesquieu, de Voltaire, de Rousseau, est considérable ; mais les écrits de ceux-ci datent d’avant la Révolution. Ils la préparent. Et c’est bien