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— Oui, oui ! fit Pavel Pavlovitch.

— Couchez-vous aussi… Quelle heure est-il ?

— Il va être deux heures moins un quart.

— Couchez-vous.

Une minute après, le malade appela de nouveau Pavel Pavlovitch qui accourut et se pencha sur lui.

— Oh ! vous êtes… vous êtes meilleur que moi !…

— Merci. Dormez, dormez ! fit tout bas Pavel Pavlovitch.

Et il retourna vite à son divan, sur la pointe des pieds.

Le malade l’entendit encore faire doucement son lit, ôter ses vêtements, éteindre la bougie et se coucher à son tour, en retenant son souffle, pour ne pas le troubler[1].

N’empêche qu’un quart d’heure plus tard, Veltchaninov surprend Trousotzky, qui le croit endormi, penché sur lui pour le tuer.

Aucune préméditation à ce crime, ou du moins :

Pavel Pavlovitch voulait tuer, mais ne savait pas qu’il voulait tuer. C’est incompréhensible, mais c’est comme cela, pensa Veltchaninov[2].

Pourtant cela ne le satisfait pas encore :

Était-ce sincère ? se demanda-t-il un peu plus tard.

Était-ce sincère ? tout ce que… Trousotzky me disait hier de sa tendresse pour moi, tandis que

  1. L’Éternel Mari, pp. 162, 163 et 164.
  2. Ibid., p. 172.