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rôde autour de la maison de Veltchaninov, qui ne le reconnaît pas d’abord.

Je ne chercherai pas à vous raconter tout le livre, ni comment après une visite nocturne de Pavel Pavlovitch Trousotzky, le mari, Veltchaninov se décide à rendre visite à ce dernier. Leur position réciproque, douteuse d’abord, se précise :

— Dites-moi, Pavel Pavlovitch, vous n’êtes donc pas seul ici ? Qu’est-ce donc que cette petite fille qui était là quand je suis entré[1].

Pavel Pavlovitch haussa les sourcils d’un air surpris, puis avec un regard franc et aimable :

— Comment ? cette petite fille ? Mais c’est Lisa ! fit-il en souriant.

— Quelle Lisa ? balbutia Veltchaninov.

Et tout à coup quelque chose remua en lui. L’impression fut soudaine. À son entrée, à la vue de enfant, il avait été un peu surpris, mais il n’avait eu aucun pressentiment, aucune idée.

— Mais notre Lisa, notre fille Lisa, insista Pavel Pavlovitch toujours souriant.

— (Comment, votre fille ? Mais Natalia… feue Natalia Vassilievna aurait donc eu des enfants ? demanda Veltchaninov d’une voix presque étranglée, sourde, mais calme.

— Mais certainement… Mais, mon Dieu ! c’est vrai, vous ne pouviez pas le savoir, où ai-je donc la tête ? C’est après votre départ que le bon Dieu nous a favorisés…

Pavel Pavlovitch s’agita sur sa chaise, un peu ému, mais toujours aimable.

  1. Ibid., p. 51.