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Voici comment les autres en décident :

Votre nouvelle, écrit Strakhov, produit ici une impression très vive et aura un succès indiscutable à mon avis. C’est une de vos œuvres les mieux élaborées, et par le sujet, une des plus intéressantes que vous ayez jamais écrites. Je parle du caractère de Trousotzky ; la majorité le comprendra à peine, mais on le lit et on le lira avec avidité.

L’Esprit souterrain précédait ce livre de peu. Je crois que nous atteignons avec l’Esprit souterrain le sommet de la carrière de Dostoïevsky. Je le considère, ce livre (et je ne suis pas le seul), comme la clé de voûte de son œuvre entière. Mais nous rentrerons avec lui dans la région intellectuelle, c’est pourquoi je ne vous en parlerai pas aujourd’hui. Restons avec l’Éternel Mari dans la région des passions. Dans ce petit livre, il n’y a que deux personnages : le mari et l’amant. La concentration ne peut être poussée plus loin. Le livre entier répond à un idéal que nous appellerions aujourd’hui classique ; l’action même ou du moins le fait initial qui provoque le drame a déjà eu lieu, comme dans un drame d’Ibsen.

Veltchaninov est à ce moment de la vie où les événements passés commencent à prendre un aspect un peu différent à ses propres yeux.

Aujourd’hui, à l’approche de la quarantaine, la clarté et la bonté s’étaient presque éteintes dans ces yeux déjà cernés de rides légères ; ce qu’ils