Page:Gide - Dostoïevsky, 1923.djvu/164

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lettrés comme le chef-d’œuvre de Dostoïevsky (telle était l’opinion du très intelligent Marcel Schwob). Le chef-d’œuvre de Dostoievsky ? c’est peut-être beaucoup dire. Mais, en tout cas, c’est un chef-d’œuvre, et il est intéressant d’entendre Dostoïevsky lui-même nous parler de ce livre :

J’ai un récit, écrit-il le 18 mars 1869 à son ami Strakhov[1]. Un récit qui n’est pas bien grand. J’avais songé à l’écrire il y a déjà trois ou quatre ans, l’année de la mort de mon frère, en réponse aux paroles d’Apollon Gregorieff qui, louant mon Esprit souterrain, m’avait dit : « Écris donc quelque chose dans ce genre ! » Mais ce sera une chose toute différente, selon la forme, quoique le fond soit toujours le même. Mon éternel fond… Je puis écrire ce récit très vite ; car dans ce récit, il n’y a pas une seule ligne, ni une seule parole qui ne soit claire pour moi. Tout cela est déjà écrit dans ma tête, quoiqu’il n’y ait rien d’écrit sur le papier.

Et, dans une lettre du 27 octobre 1869, nous lisons :

Les deux tiers de la nouvelle sont presque complètement écrits et recopiés. J’ai fait tout mon possible pour abréger, mais cela m’était impossible. Mais il ne s’agit pas de la quantité, mais bien de la qualité ; quant à la valeur, je ne puis rien dire, car je ne sais rien moi-même ; les autres en décideront.

  1. Correspondance, p. 319.