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bien différentes de la mettre en œuvre : ou il peut insister sur sa complexité, ou il peut souligner sa cohérence ; dans cette âme qu’il va engendrer, ou bien il peut vouloir produire toute l’obscurité, ou bien il peut vouloir la supprimer pour le lecteur en la dépeignant ; ou bien il réservera ses cavernes, ou bien il les exposera[1].

Vous voyez quelle est l’idée de Jacques Rivière : c’est que l’école française explore les cavernes, tandis que certains romanciers étrangers, comme Dostoïevsky en particulier, respectent et protègent leurs ténèbres.

En tout cas, continue Rivière, Dostoïevsky s’intéresse avant tout à leurs abimes, et c’est à suggérer ceux-ci le plus insondables possible qu’il met tous ses soins[1].

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Nous, au contraire, placés en face de la complexité d’une âme, à mesure que nous cherchons à la représenter, d’instinct nous cherchons à l’organiser[1].

Cela est déjà très grave ; mais il ajoute encore :

Au besoin, nous donnons un coup de pouce ; nous supprimons quelques petits traits divergents, nous interprétons quelques détails obscurs dans le sens le plus favorable à la constitution d’une unité psychologique.

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Une parfaite obturation des abîmes, tel est l’état auquel nous tendons.

  1. a, b et c Nouvelle Revue française, 1er février 1922.