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pour une intelligence salonnière, n’était-il pas commode à saisir ou pénétrer du premier coup… « Il ne délasse pas : il fatigue, comme les chevaux de sang toujours en action ; ajoutez-y la nécessité de se reconnaître… il en résulte pour le lecteur un effort d’attention… une courbature morale…, etc. » ; les gens du monde, il y a trente ans, ne parlaient pas très différemment des derniers quatuors de Beethoven (« Ce qui est compris trop rapidement n’est pas de longue durée », dit Dostoïevsky dans une de ses lettres.)

Ces jugements dépréciatifs purent retarder, il est vrai, la traduction, la publication et la diffusion de Dostoïevsky, décourager d’avance bien des lecteurs, autoriser M. Charles Morice à ne nous servir d’abord, des Karamazov, qu’une version procustement mutilée[1], ils ne purent faire, heureusement, que l’œuvre entière, lentement, chez divers éditeurs, volume après volume, ne parût[2].

  1. Une version soi-disant complète des Frères Karamazov a été donnée depuis (1906) à la librairie Charpentier, par les soins de MM. Bienstock et Torquet.
  2. Du moins, il ne resterait plus à traduire que quelques nouvelles sans importance. Peut-être nous saura-t-on gré de donner ici le catalogue des traductions ; les voici, par ordre chronologique de production :

    Les Pauvres Gens (1844). Trad. Victor Derély. Plon et Nourrit, 1888. — Le Double (1846). Trad. Bienstock et Werth. Mercure, 1906. — La Femme d’un autre (1848) (et quelques nouvelles). Trad. Halpérine-Kaminsky et Ch. Morice. Plon, 1888. — Les Étapes de la Folie (Un cœur faible, 1848). Trad. Halp.-Kaminsky. Perrin, 1891. — Le Voleur honnête