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dans ces articles que du journalisme du type courant, ce que je suis tout prêt à lui accorder ; mais je proteste lorsqu’il ajoute que ces articles nous renseignent à merveille sur les idées de Dostoïevsky. À vrai dire, les problèmes que Dostoïevsky traite dans le Journal d’un écrivain ne sont pas ceux qui l’intéressent le plus ; les questions politiques, il faut le reconnaître, lui paraissent moins importantes que les questions sociales ; les questions sociales moins importantes, beaucoup moins importantes, que les questions morales et individuelles. Les vérités les plus profondes et les plus rares que nous pouvons attendre de lui sont d’ordre psychologique ; et j’ajoute que, dans ce domaine, les idées qu’il soulève restent le plus souvent à l’état de problèmes, à l’état de questions. Il ne cherche point tant une solution qu’un exposé, — qu’un exposé de ces questions précisément qui, parce qu’elles sont extrêmement complexes et qu’elles se mêlent et s’entre-croisent, demeurent le plus souvent à l’état trouble. Enfin, pour tout dire, Dostoïevsky n’est pas à proprement parler un penseur ; c’est un romancier. Ses idées les plus chères, les plus subtiles, les plus neuves, nous les devons chercher dans les propos de ces personnages, et non point même toujours de ses personnages de premier plan : il arrive souvent que les idées les plus importantes, les plus hardies, ce soit à des personnages d’arrière-plan qu’il les prête. Dostoïevsky est on ne peut