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III

Nous n’avons guère fait jusqu’à présent que déblayer le terrain. Devant que d’aborder les idées de Dostoïevsky, je voudrais vous mettre en garde contre une grave erreur. Dans les quinze dernières années de sa vie, Dostoïevsky s’est occupé beaucoup de la rédaction d’une revue. Les articles qu’il écrivit pour cette revue ont été réunis dans ce qu’on appelle Journal d’un écrivain. Dostoïevsky, dans ses articles, expose ses idées. Il serait, semble-t-il, bien simple et bien naturel de se reporter sans cesse à ce livre : mais autant vous le dire tout de suite, ce livre est profondément décevant. Nous y trouvons l’exposé de théories sociales : elles demeurent fumeuses, et sont des plus maladroitement exprimées. Nous y trouvons des prédictions politiques : aucune d’elles ne s’est réalisée. Dostoïevsky cherche à prévoir l’état futur de l’Europe et se trompe presque constamment.

M. Souday, qui consacrait naguère à Dostoïevsky une de ses chroniques du Temps, se plaît à relever ses erreurs. Il ne consent à voir