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plaire dans l’abjection), d’autre part, des orgueilleux (et certains de ceux-ci pousseront l’orgueil jusqu’au crime). Ces derniers seront, d’ordinaire, les plus intellectuels. Nous les verrons, tourmentés par le démon de l’orgueil, toujours faire assaut de noblesse :

Je parie que pendant toute la nuit, vous êtes restés à parler, assis l’un à côté de l’autre, et que vous avez perdu un temps précieux à faire assaut de noblesse,

dit à Stavroguine l’immonde Pierre Stépanovitch dans les Possédés[1], ou encore :

Malgré la peur que lui inspire Versiloff, Katherina Nicolaïevna a toujours eu de la vénération pour la noblesse de ses principes et sa supériorité d’esprit… Dans sa lettre, il lui a donné sa parole de gentilhomme qu’elle n’avait rien à craindre. Elle a, de son côté, manifesté des sentiments non moins chevaleresques ! Il a pu y avoir entre eux joute de courtoisie[2].

Il n’y a rien qui soit de nature à froisser votre amour-propre, dit Élisabeth Nikolaïevna à Stavroguine. Avant-hier, en rentrant chez moi, après votre réponse si chevaleresque à l’insulte publique que je vous avais faite, j’ai deviné tout de suite que, si vous me fuyiez, c’était parce que vous étiez marié, et nullement parce que vous me méprisiez, chose dont j’ai eu surtout peur, en ma qualité de jeune fille du monde.

  1. Les Possédés, I, p. 227.
  2. L’Adolescent, p. 557.