il y a des douteux, de très rares douteux, que les bons anges et les mauvais démons se disputent. La balance qui les pèse tous, comme un bas-relief égyptien, ne tient compte que de leur plus ou moins de bonté. Aux, bons, le ciel ; aux méchants, l’enfer. Dickens suit en cela l’opinion de son peuple et de son époque. Il arrive que les méchants prospèrent, que les bons soient sacrifiés : c’est la honte de cette vie terrestre et de notre société. Tous les romans tendent à nous montrer, à nous rendre sensible la précellence des qualités du cœur sur celles de l’esprit. J’ai choisi Dickens comme exemple, parce que, de tous les grands romanciers que nous connaissons, c’est chez lui, me semble-t-il, que la classification se présente de la manière la plus simple, et j’ajoute : c’est ce qui lui permet d’être si populaire.
Or, relisant dernièrement d’affilée presque tous les livres de Dostoïevsky, il m’a paru qu’une classification analogue existe chez lui ; moins apparente sans doute, encore que presque aussi simple, et qui me semble beaucoup plus significative : ce n’est point selon leur plus ou moins de bonté que l’on peut hiérarchiser (excusez ce mot affreux) ses personnages, selon les qualités de leur cœur, mais bien selon leur plus ou moins d’orgueil.
Dostoïevsky nous présente, d’une part, des humbles (et certains d’entre eux pousseront l’humilité jusqu’à l’abjection, jusqu’à se com-