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nous le peint Aliocha Karamazov, c’est un monde dans lequel il n’y aura plus ni humiliés, ni offensés.

La plus étrange et la plus inquiétante figure de ces romans, le terrible Stavroguine, des Possédés, nous trouverons l’explication et la clé de son caractère démoniaque, si différent à première vue de tous les autres, dans quelques phrases du livre :

« Nicolas Vsevolodovitch Stavroguine, raconte un des autres personnages, menait dans ce temps, à Pétersbourg, « une vie ironique », si l’on peut ainsi parler, je ne trouve pas d’autres termes pour la définir ; il ne faisait rien et se moquait de tout[1]. »

Et la mère de Stavroguine, à qui l’on disait cela, s’écrie un peu plus tard :

Non, il y avait là quelque chose de plus que de l’originalité, j’oserais dire : quelque chose de sacré. Mon fils est un homme fier, dont l’orgueil a été prématurément blessé, et qui en est venu à mener cette vie, si justement qualifiée par vous d’ironique[2]

Et plus loin :

Si Nicolas, poursuivit Barbara Petrovna d’un ton un peu déclamatoire, si Nicolas avait toujours eu auprès de lui un Horatio tranquille, grand dans son humilité, autre belle expression de vous, Ste-

  1. Possédés, I, p. 197.
  2. Ibid., p. 201.