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Sans doute la religion grecque orthodoxe ne fait-elle ici qu’encourager un penchant naturel, en tolérant, en approuvant même souvent la confession publique. L’idée d’une confession non point dans l’oreille d’un prêtre, mais bien d’une confession devant n’importe qui, devant tous, revient comme une obsession dans les romans de Dostoïevsky. Lorsque Raskolnikoff a avoué son crime à Sonia, dans Crime et châtiment, celle-ci conseille aussitôt à Raskolnikoff, comme le seul moyen de soulager son âme, de se prosterner sur la place publique et de crier à tous : « J’ai tué. » La plupart des personnages de Dostoïevsky sont pris, à certains moments, et le plus souvent d’une façon tout à fait inattendue, intempestive, du besoin de se confesser, de demander pardon à tel autre, qui parfois ne comprend même pas ce dont il s’agit ; du besoin de se mettre soi-même dans un état d’infériorité par rapport à celui à qui l’on parle.

Vous vous souvenez sans doute de cette extraordinaire scène de l’Idiot, durant une soirée chez Nastasia Philipovna : on propose comme passe-temps, et comme on jouerait à des charades ou à des jeux de petits papiers, que chacune des personnes présentes confesse l’action la plus vile de sa vie ; et l’admirable, c’est que la proposition n’est pas repoussée ; c’est que les uns et les autres commencent à se confesser, avec plus ou moins