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Parfène ! Il y a à faire dans notre monde, crois-moi.

Et nous voyons, à la fin de ce récit, se dessiner un autre trait de caractère : la croyance à une mission particulière du peuple russe.

Cette croyance, nous la retrouvons chez nombre d’écrivains russes ; elle devient conviction active et douloureuse chez Dostoïevsky, et son grief contre Tourguenieff était précisément de ne point retrouver chez lui ce sentiment national, de sentir Tourguenieff trop européanisé.

Dans son discours sur Pouchkine, Dostoïevsky déclare que Pouchkine, encore en pleine période d’imitation de Byron, de Chénier, brusquement trouva ce que Dostoïevsky appelle le ton russe, « un ton neuf et sincère ». Répondant à cette question qu’il appelle « la question maudite » : Quelle foi peut-on avoir en le peuple russe et en sa valeur ? Pouchkine s’écrie : « Humilie-toi, homme arrogant, il faut d’abord vaincre ton orgueil, humilie-toi et devant tous, courbe-toi vers le sol natal. »

Les différences ethniques ne sont peut-être nulle part mieux accusées que dans la façon de comprendre l’honneur. Le secret ressort de l’homme civilisé, qui me paraît être non point tant précisément l’amour-propre, ainsi qu’eût dit La Rochefoucauld, mais le sentiment de ce que nous appelons « le point d’honneur », — ce sentiment de l’honneur, de ce point névral-