Page:Gide - De l’influence en littérature.djvu/35

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mais les faibles y perdront le peu d’originalité à laquelle ils peuvent prétendre… Messieurs : tant mieux ! — C’est là ce qui permet une École.


Une École est composée toujours de quelques rares grands esprits directeurs — et de toute une série d’autres subordonnés, qui forment comme le terrain neutre sur lequel ces quelques grands esprits peuvent s’élever. Nous y reconnaissons d’abord une subordination, une sorte de soumission tacite, inconsciente, à quelques grandes idées que quelques grands esprits proposent, que les esprits moins grands prennent pour Vérités. — Et, s’ils suivent ces grands esprits, peu m’importe ! car ces grands esprits les mèneront plus loin qu’ils n’eussent su aller par eux-mêmes. — Nous ne pouvons savoir ce qu’eût été Jordæns sans Rubens. — Grâce à Rubens, Jordæns s’est élevé parfois si haut, qu’il semble que mon exemple soit mal choisi et qu’il faille placer Jordæns au contraire parmi les grands esprits directeurs. — Et que serait-ce si je parlais de Van Dyck, qui, à son tour, crée et domine l’école anglaise ?


Autre chose : souvent une grande idée n’a pas assez d’un seul grand homme pour l’exprimer, pour l’exagérer tout entière ; un grand homme n’y suffit pas ; il faut que plusieurs s’y emploient, reprennent cette idée première, la