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Gœthe, dans ses Mémoires, parle avec émotion de cette période de jeunesse où sa sensibilité s’était à tel point exaltée, que, se promenant dans la campagne, un chant, un souffle, le moindre rayon, la moindre ombre semblait le modifier d’une manière réelle. Avec délices il subissait la plus fugitive influence.

Les influences sont de maintes sortes — et si je vous ai rappelé ce passage de Gœthe, c’est parce que je voudrais pouvoir parler de toutes les influences, chacune ayant son importance, — commençant par les plus vagues, les plus naturelles, gardant pour les dernières les influences des hommes, et celles des œuvres des hommes ; les gardant pour les dernières parce que ce sont celles dont il est le plus difficile de parler — et contre lesquelles on tente le plus, ou l’on prétend tenter le plus, de regimber. — Comme ma prétention est de faire l’apologie de celles-ci aussi, je voudrais préparer cette apologie de mon mieux, — c’est-à-dire lentement.