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splendeur des indigènes, puis : J’avoue que les femmes m’ont quelque peu déçu, ajoute-t-il ; elles sont loin d’être aussi belles que les hommes… Puis, après avoir constaté le besoin, chez elles, de compenser cette moindre beauté par la parure[1] : En résumé, il m’a semblé que les femmes, bien plus que les hommes, gagneraient beaucoup à porter quelque vêtement.

— Je ne savais point que Darwin était uraniste.

— Qui vous a dit cela ?

— Cette phrase ne le laisse-t-elle pas entendre ?

— Quoi ! me forcerez-vous de prendre au sérieux M. de Gourmont, lorsqu’il écrit : C’est la femme qui représente la beauté. Toute opinion divergente sera éternellement tenue pour un paradoxe ou pour le produit de la plus fâcheuse des aberrations sexuelles.

— « Éternellement » vous semble vif ?

— Mais tranquillisez-vous. Darwin n’est pas, que je sache, plus uraniste que maints autres explorateurs qui, circulant parmi des peuplades nues, se sont émerveillés de la beauté des jeunes hommes — plus uraniste que Stevenson par exemple qui, parlant des Polynésiens, reconnaît que la beauté des jeunes hommes surpasse de beaucoup celle des femmes. Et c’est précisément pourquoi leur opinion m’importe, et que je crois, avec eux, non point en puritain, mais en artiste, que la pudeur sied aux femmes et que le

  1. « Cependant elles ont quelques coutumes fort jolies ; celle, par exemple, de porter une fleur blanche ou écarlate sur le derrière de la tête ou dans un petit trou percé dans chaque oreille. »
    (Voyage d’un Naturaliste, p. 434.)