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bien, dans le cas où elles porteraient toutes, dès la génération suivante la surproduction d’individus entraînerait l’insuffisance de nourriture, qui entraînerait à son tour la plus grande proportion des mâles ; et en deux générations l’équilibre serait rétabli. Car on peut supposer en principe que, dans la Nature, et sans l’intervention de causes décimantes, il n’y a jamais trop de nourriture, qu’il y a toujours le plus grand nombre de bouches possible mangeant au même râtelier. — Cette explication vous plaît-elle ?

— Tout de même… essayons du maillon qui suit.

— Prenons la chaîne par l’autre bout : Si je constate que l’instinct sexuel est insuffisant, oui : d’une précision insuffisante pour garantir la perpétuation de l’espèce, le surnombre des mâles peut être considéré comme une précaution nécessaire…

— Disons plutôt que les espèces où le nombre des mâles est demeuré insuffisant se sont éteintes.

— Si vous voulez. Ayant fait route en sens inverse, finaliste et évolutionniste se retrouvent à ce même point. Le surnombre des mâles est nécessaire à la perpétuation de la race parce que l’instinct sexuel est insuffisant.

— C’est le point qui reste à démontrer.

— Nous allons tout à l’heure constater son insuffisance dans la Nature ; mais je voudrais auparavant rechercher avec vous les causes possibles de cette flagrante insuffisance, et circonvenir mon sujet. Avançons pas à pas.

— Je vous suis. Vous disiez donc : Avec une moindre proportion de l’élément mâle, l’acte de la fécondation fût demeuré par trop chanceux…