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l’accorde. Vous admettez tout de même l’instinct sexuel et, parbleu, vous ne pouvez faire autrement ; simplement vous niez que cet instinct ait cette automatique précision que certains lui prêtent.

— Et que naturellement il perd de plus en plus à mesure qu’on s’élève dans l’échelle animale.

— De sorte, direz-vous, qu’il n’est jamais plus indécis que chez l’homme.

— Nous ne parlerons pas de l’homme aujourd’hui.

— Précis ou non, cet instinct s’est transmis ; il a joué un rôle et s’y est montré suffisant.

— Oui : suffisant… tout juste.

Il s’arrêta ; mit son front dans sa main ; sembla quelques instants chercher à rassembler ses pensées ; puis relevant la tête, il reprit :

— Sous ces mots « instinct sexuel » vous comprenez un faisceau d’automatismes ou tout au moins de tendances, assez solidement liées dans les espèces inférieures, mais qui, tandis que vous montez les degrés de l’échelle animale, de plus en plus facilement et de plus en plus souvent se dissocient.

Pour maintenir en faisceau ces tendances, il faudra souvent telles concomitances, telles connivences, telles complicités que je vous exposerai par la suite — et sans le concours desquelles le faisceau se défait, laissant s’éparpiller les tendances. Cet instinct n’est pas homogène, si je peux dire ; car la volupté qu’entraîne, chez l’un et l’autre sexe, le geste de la fécondation n’est pas, vous le savez, nécessairement et exclusivement liée à ce geste.