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semblait que depuis trop longtemps nous avions perdu de vue. Il reprit :

V

— Hier j’avais tenté de vous montrer que l’impérativité de « l’instinct sexuel » demeurait, chez les animaux, beaucoup moins constamment pressante et précise qu’on ne se plaît communément à l’affirmer ; et je cherchais à démêler, à travers le complexe faisceau que ces mots « instinct sexuel » saisissent indistinctement à poignée, quelle est la pure leçon de l’organe, son exigence, quelle est la transigeance du goût, quelle est l’obéissance au motif extérieur, à l’objet ; je découvrais que le faisceau de tendances ne se trouve compact et bouclé qu’à ce moment unique où l’odeur de l’ovulation guide le mâle et le précipite au coït.

J’observais aujourd’hui : qu’aucun parfum n’assujettit le sens de l’homme, et que la femme, ne disposant d’aucune suasion péremptoire (j’entends : de cet irrésistible attrait momentané de l’animale) ne pouvait plus prétendre qu’à être constamment désirable, et s’y appliquait savamment, avec l’assentiment, l’encouragement et le secours (dans nos pays occidentaux du moins) des lois, des mœurs, etc. J’observais que l’artifice souvent, et la dissimulation (dont la forme noble est pudeur), que l’ornement et le voile subviennent à l’insuffisance d’attrait… Est-ce à dire que certains hommes ne seraient pas attirés irrésistiblement vers la femme (ou vers telle