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expliqué comment Philippe est devenu ce qu’il était, que montré précisément l’homme qu’il était enfin. Il me serait difficile aujourd’hui de remédier à ce défaut ; mais du moins je le signale au lecteur.

Enfin, il faut bien se convaincre de ceci : les lettres intimes, si révélatrices qu’elles puissent paraître, culbutent souvent l équilibre de la figure en accentuant à l’excès tel trait que le confident était particulièrement apte à chérir. C’est de la réunion des traits les plus divers qu’est composé le personnage ; chaque trait, pris à part, trahit. De plus, les lettres dont il m’a été donné de prendre connaissance deviennent, à partir de 1900, de plus en plus espacées ; s’arrêtent à 1902 : Philippe à ce point de sa vie pourra bien correspondre encore, mais ne ressentira plus ce pressant besoin d’épanchement qui presse tout adolescent solitaire. Il se reconnaît solide, hardi ; il écrit à son ami André Ruijters (décembre 1902) : « Je n’ai que vingt-huit ans. J’ai montré une face. Attendez donc les autres et rappelez-vous que j’ai montré la face que j’ai voulu, que j’ai fait fonctionner mes ressorts et que c’est du courage et de la force. »