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Si le mot « influence » que j’employais tout à l’heure avait pu inquiéter quelques personnes, la lecture de quelques pages de Philippe les aurait vite rassurées. L’écriture de Philippe ne rappelle aucune autre — et non seulement son écriture, mais la composition de ses livres, mais la tonalité de son émotion, mais la forme naturelle de sa pensée. C’est une des plus fâcheuses idolâtries de notre époque ; la croyance à la génération spontanée du génie. Le plaisant, c’est que ceux qui protestent le plus contre les influences, presque toujours sont ceux qui font partie d’une école ! Au contraire, nul meilleur exemple que Philippe pour justifier ce que j’ai toujours cru, c’est que jamais les forts n’ont redouté ce que les faibles appellent des influences, qui ne sont pour les forts que des exaltations. Philippe n’a jamais subi, accepté, d’autres influences que celles qu’il sentait lui révéler sa propre force à lui-même. Puis Philippe était d’une nature très riche, qui sentait en lui des possibilités très diverses ; pour lui, une influence nouvelle ne pouvait être que l’occasion d’un nouveau développement. S’il lui arrivait de se dérober parfois à certaines, ce pouvait être pro-