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la crise de moi-même. Je veux être moi-même, avec feu, me réaliser comme un orage qui éclate et avec un peu de sécheresse, comme un coup de tonnerre. Comme ceci doit te paraître étrange, et comme ceci m’eût paru étrange il y a quelques mois, alors que je n étais qu’un faible enfant. Je deviens homme maintenant… C’est le changement de ma vingt-sixième année… Je suis devenu beaucoup plus froid, beaucoup moins bon. Je rêve d’écrire des choses substantielles et ramassées comme certaines statues de Rodin. Je voudrais ne plus être joli, mais être solidement beau. J’ai éprouvé pendant quelque temps un grand orgueil et une grande joie y comme il est dit dans la préface de Humain trop humain, et je connaîtrai encore tout cela parce que je veux remporter toutes les victoires sur moi-même. Il y a eu des moments où je goûtais ma solitude comme un triomphe. »

Et quelques mois plus tard (en mai 1901) il écrit encore :

« Ton article sur Bubu m’a fait grand plaisir. Mais je te l’ai déjà dit, tu me vois trop comme un homme sensible et pas assez comme un homme fort. Mes amis d’ici, qui me voient tous les jours,