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« Moi aussi, dit-il à son ami Henri Vandeputte dès la première lettre, je suis bien ardent et j’ai des flammes au cœur pour tout ce que je pense et pour tout ce que je fais. » Et certainement l’enracinement à Cérilly près des siens lui épargnerait beaucoup de souffrances ; mais il faut qu’il vienne à Paris pour devenir Charles-Louis Philippe.

Il prépare l’examen de Polytechnique, y échoue, se retourne vers les ponts et chaussées.

Après avoir espéré misérablement une situation en province, promené, balancé, berné par de soi-disant protecteurs, il entre enfin, à vingt-deux ans, en 96, au service de la Ville de Paris.

En 95, déjà voici ce qu’il écrivait dans un petit journal intime :

Un essai d’analyse du dégoût et de la débâcle intime d’un jeune homme : il est assis dans une grande prostration, une fatigue en son être moral, et un avachissement en son être physique.

Son âme a perdu l’habitude de l’espoir. Des chocs et des élans vers des avenirs ont épuisé sa force vitale, Les faits sans succès de son passé lui ont fait prendre un grand pli de doute à tout, un regard morne qui scrute et ne voit bien que le sombre. Il a la sensation de l’impuissance de son milieu, et même de l’impuis-