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et à celle de son peuple. Ses études furent tardives, laborieuses et imparfaites ; s’il parlait le latin et s’il entendait le grec, il avait appris dans la conversation plutôt que dans les livres ce qu’il savait de ces deux langues, et ce ne fut qu’à un âge mûr que le souverain de l’empire d’Occident s’efforça de se familiariser avec l’art de l’écriture, que tous les paysans connaissent aujourd’hui dès leur enfance[1]. On ne cultivait alors la grammaire et la logique, l’astronomie et la musique, que pour les faire servir à la superstition ; mais la curiosité de l’esprit humain doit à la fin le perfectionner, et les encouragemens accordés aux sciences composent les rayons les plus purs et les plus doux de la gloire dont s’est environné le caractère de Charlemagne[2]. Sa figure majestueuse[3], la longueur de son règne, la prospérité

  1. Éginhard (c. 25, p. 119) affirme clairement : tentabat et scribere… sed parum prospere successit labor præposterus et sero inchoatus. Les modernes ont perverti et corrigé le sens naturel de ces paroles, et le titre seul de la dissertation de M. Gaillard (t. III, p. 247-260) laisse apercevoir sa partialité.
  2. Voyez Gaillard, t. III, p. 138-176, et Schmidt, t. II, p. 121-129.
  3. M. Gaillard (t. III, p. 372) fixe la taille de Charlemagne (voyez une Dissertation de Marquard Freher, ad calcem Éginhard, p. 220, etc.) à cinq pieds neuf pouces de France, c’est-à-dire à environ six pieds un pouce et un quart, mesure d’Angleterre. Les romanciers lui ont donné huit pieds ; ils attribuent à ce géant une force et un appétit extraordinaires : d’un seul coup de sa bonne épée, la joyeuse,