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n’étaient pas moins frappés que ses ennemis des subites apparitions par lesquelles il les surprenait lorsqu’ils le croyaient dans les parties de l’empire les plus éloignées. Il ne se reposait ni durant la paix ni durant la guerre, ni l’hiver ni l’été ; et notre imagination ne concilie pas aisément les annales de son règne avec les détails géographiques de ses expéditions. Mais cette activité était une vertu nationale plutôt qu’une vertu personnelle : un Français passait alors sa vie errante à la chasse, dans des pèlerinages ou des aventures militaires, et les voyages de Charlemagne n’étaient distingués que par une suite plus nombreuse et un objet plus important. Pour bien juger de la réputation qu’il a obtenue dans le métier des armes, il faut considérer quels furent ses troupes, ses ennemis et ses actions. Alexandre fit ses conquêtes avec les soldats de Philippe ; mais les deux héros qui avaient précédé Charlemagne lui avaient légué leur nom, leurs exemples et les compagnons de leurs victoires. C’est à la tête de ces vieilles troupes supérieures en nombre qu’il accabla des nations sauvages ou dégénérées, incapables de se réunir pour leur sûreté commune, et jamais il n’eut à combattre une armée égale en nombre, ou qui pût se comparer à la sienne pour les armes et pour la discipline. La science de la guerre a été perdue, et s’est ranimée avec les arts de la paix ; mais ses campagnes n’ont été illustrées par aucun siége ou aucune bataille bien difficile ou d’un succès bien éclatant, et il dut voir d’un œil d’envie les triomphes de son grand-père sur