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avoir accordé à ses troupes le pillage de leurs biens, chassa de la ville le reste de cette nation de mécréans. Il allégua peut-être l’insolence de leur prospérité et leur haine mortelle pour les chrétiens, dont ils avaient versé depuis peu le sang au milieu d’une émeute excitée, soit par hasard, soit à dessein. De pareils crimes méritaient l’animadversion du magistrat ; mais dans cette agression les innocens se trouvèrent confondus avec les coupables, et Alexandrie perdit une colonie riche et industrieuse. Le zèle de saint Cyrille l’assujettissait aux peines de la loi Julia ; mais dans un gouvernement faible et un siècle superstitieux, il était sûr de l’impunité et pouvait même compter sur des éloges. Oreste, préfet de l’Égypte, se plaignit ; les ministres de Théodose oublièrent trop promptement ses justes réclamations, et un prêtre qui, affectant de lui pardonner, continuait à le haïr, ne s’en souvint que trop. Un jour qu’il passait dans la rue, une bande de cinq cents moines de la Nitrie attaquèrent son char ; ses gardes prirent la fuite devant ces bêtes féroces du désert ; il protesta qu’il était chrétien et catholique ; on ne lui répondit que par une grêle de pierres qui couvrirent son visage de sang. De bons citoyens volèrent à son secours. Il sacrifia sur-le-champ à la justice et à sa vengeance le moine qui l’avait blessé ; et Ammonius expira sous les verges du licteur. Saint Cyrille fit recueillir le corps d’Ammonius, une procession solennelle le transporta dans la cathédrale ; on changea son nom en celui de Thaumasius, le Merveilleux ; son tombeau