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délivré de la présence des troupes françaises, qu’il oublia sa promesse et se souvint seulement de sa honte. Rome se vit de nouveau investie par ses soldats, et Étienne, craignant de fatiguer le zèle des alliés qu’il s’était acquis au-delà des Alpes, imagina de fortifier sa plainte et sa requête d’une lettre éloquente, écrite par saint Pierre lui-même[1]. L’apôtre assure ses fils adoptifs, le roi, le clergé et les nobles de France, que, mort corporellement, il vit toujours en esprit ; que c’est la voix du fondateur et du gardien de l’Église de Rome qui se fait entendre à eux, et qu’ils doivent lui obéir ; que la Vierge, les anges, les saints et les martyrs, et toute l’armée céleste, appuient la requête du pape, et leur font un devoir de s’y rendre ; que pour les récompenser de leur dévote entreprise, ils obtiendront la fortune, la victoire et le paradis, et que la damnation éternelle sera la peine de leur négligence, s’ils souffrent que son tombeau, son Église et son peuple, tombent entre les mains des perfides Lombards. La seconde expédition de Pépin ne fut ni moins rapide ni moins heureuse que la première : saint Pierre obtint ce

  1. Voyez cette lettre extraordinaire dans le Codex Carolinus, epist. 3, p. 92. Les ennemis des papes ont accusé Étienne de supercherie et de blasphème : toutefois ce pontife voulait persuader plutôt que tromper. Cette méthode de faire parler les morts ou des immortels, était familière aux anciens orateurs ; mais il faut avouer qu’en cette occasion on l’employa avec la grossièreté de l’époque dont nous parlons.