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disposés à croire, selon leur désir et leur espérance, que les ébionites, ou du moins les nazaréens, ne s’étaient distingués que par leur persévérance obstinée dans la pratique du culte de Moïse. Leurs églises ont disparu ; on ne se souvient plus de leurs livres ; leur obscure liberté a pu laisser un vaste champ aux opinions sur cette matière, et fournir au zèle et à la prudence du troisième siècle un moyen d’exposer diversement leur symbole flexible et à peine fixé ; mais la critique la plus charitable doit refuser à ces sectaires toute connaissance de la pure et vraie divinité de Jésus-Christ. Instruits dans l’école des Juifs, imbus de leurs prophéties et de leurs préjugés, ils n’avaient jamais appris à élever leurs espérances au-dessus d’un messie humain et temporel[1]. S’ils avaient le courage de saluer leur roi lorsqu’il se montrait sous un habit plébéien, ils ne pouvaient, dans leur grossièreté, discerner leur dieu soigneux de cacher sa céleste nature sous le nom et la personne d’un mortel[2]. Jésus de Nazareth s’entrete-

  1. Και γαρ παντες ημεις τον Χρισ‌τον ανθρωπον εξ ανθρωπων προσδοκωμεν γενησεσθαι, dit le Juif Tryphon (Justin, Dialog., p. 207), au nom de ses compatriotes ; et ceux des Juifs modernes qui abandonnent les idées de richesse pour s’occuper de la religion, tiennent encore le même langage, et allèguent le sens littéral des prophètes.
  2. Saint Chrysostôme (Basnage, Hist. des Juifs, t. V, c. 9, p. 183) et saint Athanase (Pétau, Dogm. théolog., t. V, l. I, c. 2, p. 3), sont obligés d’avouer que Jésus-Christ lui-même ou ses Apôtres parlent rarement de sa divinité.