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qu’un khan, dont ils ont ridiculement exagéré la puissance, reçut de leurs mains le baptême et même l’ordination ; et la réputation du prêtre Jean a long-temps amusé la crédulité de l’Europe[1]. On permit à cet auguste néophyte de se servir d’un autel portatif ; mais il fit demander au patriarche, par des ambassadeurs, comment il pourrait faire pendant le carême pour s’abstenir des nourritures animales, et comment il pourrait célébrer l’eucharistie dans un désert qui ne produisait ni blé ni vin. Les Nestoriens, dans leurs voyages par mer et par terre, entrèrent dans la Chine par le port de Canton et par la ville de Sigan, située plus au nord, et résidence du souverain. Bien différens des sénateurs de Rome, qui jouaient en souriant les rôles de prêtres et d’augures, les mandarins qui affectent en public la raison des philosophes, se livrent en secret à tous les genres de superstition populaire. Ils confondaient dans leur culte les dieux de la Palestine et ceux de

  1. L’histoire du prêtre Jean dans sa longue route à travers Mosul, Jérusalem, Rome, etc., devint une fable monstrueuse, dont quelques traits ont été empruntés du Lama du Thibet (Hist. généalogique des Tartares, part. II, p. 42 ; Hist. de Gengis-Khan, p. 31, etc.) ; et que par une erreur grossière les Portugais ont appliquée à l’empereur d’Abyssinie. (Ludolphe, Hist. Æthiop. Comment., l. II, c. 1.) Cependant, il est probable qu’aux onzième et douzième siècles, la horde des Keraïtes professait le christianisme selon les dogmes des nestoriens. (D’Herbelot, p. 256, 915, 959 ; Assemani, t. IV, p. 468-504.)