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elles ne furent point reconnaissantes de ces largesses tardives que l’empereur accordait malgré lui ; la découverte de sa faiblesse et de leur force augmenta leur insolence ; et, de part et d’autre, la haine s’éleva au point que le souverain ne songeait plus à pardonner, et que l’armée n’avait plus d’espoir de conciliation. Les historiens du temps ont adopté le soupçon vulgaire que Maurice s’efforça de détruire les troupes qu’il avait voulu réformer ; ils imputent à ce dessein malveillant la mauvaise conduite et la faveur de Commentiolus ; et tous les siècles doivent flétrir l’inhumanité ou l’avarice[1] d’un prince qui laissa massacrer, plutôt que de les racheter pour le prix modique de six mille pièces d’or, douze mille prisonniers qui se trouvaient au pouvoir du chagan. [Rébellion.]Dans un juste mouvement d’indignation, on ordonna aux troupes du Danube d’épargner les magasins de la province, et d’établir leurs quartiers d’hiver dans le pays des Avares. Ce dernier ordre lassa leur patience ; elles déclarèrent Maurice indigne du trône ; elles chassèrent ou égorgèrent ceux qui lui demeuraient fidèles ; et, commandées par un simple centurion nommé Phocas, elles revinrent à marches pré-

  1. Théophylacte et Théophane paraissent ignorer la conspiration et la cupidité de Maurice. On rencontre pour la première fois ces accusations, si défavorables à la mémoire de cet empereur, dans la Chronique de Paschal (p. 379, 380) ; c’est de là que Zonare (t. II, l. XIV, p. 77, 78) les a tirées. Cedrenus (p. 399) a suivi un autre calcul sur la rançon des douze mille prisonniers.