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raire entreprise le perdit et ne fit qu’accroître les abus. Un réformateur ne doit pas être soupçonné d’intérêt, et il faut qu’il ait la confiance et l’estime de ceux qu’il veut réformer. Les soldats de Maurice auraient peut-être écouté la voix d’un général victorieux ; ils dédaignèrent les avis des politiques et des sophistes ; lorsqu’ils reçurent l’édit qui prélevait sur la solde le prix des armes et des vêtemens, ils maudirent l’avarice d’un prince insensible aux dangers et aux fatigues dont il s’était affranchi. Des séditions violentes et multipliées agitèrent les camps de l’Asie et l’Europe[1]. La garnison d’Édesse, furieuse, accabla de reproches, de menaces et de blessures ses généraux tremblans ; elle renversa les statues de l’empereur, assaillit de pierres l’image miraculeuse du Christ, et rejeta le joug des lois civiles et des lois militaires ; ou se soumit à une subordination volontaire aussi dangereuse que le désordre. Le monarque, toujours éloigné et souvent trompé, ne pouvait céder ou résister à propos. La crainte d’une révolte générale le déterminait trop tôt à oublier un soulèvement en considération d’une action de valeur ou d’une expression de fidélité ; il revint sur la nouvelle réforme aussi précipitamment qu’il l’avait entreprise ; et les troupes qui s’attendaient à des châtimens, à un régime plus sévère, furent agréablement surprises lorsqu’on leur annonça des immunités et des récompenses ; mais

  1. Voy. le détail des émeutes sous le règne de Maurice dans Théophylacte, l. III, c. 1-4 ; l. VI, c. 7, 8, 10 ; l. VII, c. 1 ; l. VIII, c. 6, etc.