Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 8.djvu/417

Cette page a été validée par deux contributeurs.

mis était émoussé avant même d’avoir eu à résister à la valeur naturelle des Avares.

Guerres de Maurice contre les Avares. A. D. 595-602.

L’alliance avec la Perse rendit les troupes de l’Orient à la défense de l’Europe ; et Maurice, qui avait souffert dix années l’insolence du chagan, déclara qu’il marcherait en personne contre les Barbares. Dans un intervalle de deux siècles, aucun des successeurs de Théodose n’avait paru sur le champ de bataille ; leurs jours s’écoulaient mollement dans le palais de Constantinople, et les Grecs ne savaient plus que le nom d’empereur désignait, selon son acception primitive, le chef des armées de la république. Les graves flatteries du sénat, la superstition pusillanime du patriarche et les pleurs de l’impératrice Constantine, s’opposèrent à l’ardeur guerrière de Maurice ; on le supplia de charger un général moins important des fatigues et des périls d’une campagne de Scythie. Sourd à leurs conseils et à leurs prières, il se porta fièrement en avant jusqu’à sept milles[1] de sa capitale ; l’étendard sacré de la croix flottait à la tête de ses troupes ; il passa en revue, avec un sentiment d’orgueil, ces nombreux vétérans qui avaient combattu et vaincu au-delà du Tigre. Anchialus fut le terme de ses expéditions ; il sollicita vainement une réponse miraculeuse à ses prières nocturnes : son

  1. Voy. la marche et le retour de Maurice dans Théophylacte, l. V, c. 16 ; l. VI, c. 1, 2, 3. Si cet écrivain avait du goût ou de l’esprit, on supposerait qu’il s’est permis une ironie délicate ; mais Théophylacte n’a sûrement pas cette malice à se reprocher.