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chagan le reçut à genoux, et ajouta : « Je jure par le Dieu qui a parlé dans ce livre saint, que je n’ai ni fausseté sur les lèvres ni trahison dans le cœur. » Et se relevant aussitôt, il courut hâter les travaux du pont, et un envoyé alla annoncer de sa part ce qu’il ne cherchait plus à cacher. « Informez l’empereur, dit le perfide Baian, que Sirmium est investi de tous côtés ; conseillez à sa sagesse d’en retirer les citoyens avec leurs effets, et de livrer une place qu’il ne peut plus ni secourir ni défendre. » Sirmium se défendit plus de trois ans sans espoir d’être secouru : les murailles étaient encore dans leur entier, mais la famine habitait dans leur enceinte. Les habitans, exténués et dépouillés, obtinrent par une capitulation favorable la liberté de se retirer. Singidunum, situé à cinquante milles, eut une destinée plus cruelle ; ses édifices furent rasés, et ses habitans condamnés à la servitude et à l’exil. Cependant il ne reste aucun vestige de Sirmium ; mais la situation avantageuse de Singidunum y a bientôt attiré une nouvelle colonie d’Esclavons, et le confluent de la Save et du Danube est encore gardé aujourd’hui par les fortifications de Belgrade ou de la Ville-Blanche, que les chrétiens et les Turcs se sont disputée si souvent et avec tant d’opiniâtreté[1]. De Belgrade aux murs de Constanti-

  1. Voyez d’Anville, Mém. de l’acad. des inscriptions, t. XXVIII, p. 412-443. Constantin Porphyrogénète employait au dixième siècle le nom de Belgrade, qui est esclavon. Les Francs se servaient au neuvième siècle de la dénomination latine d’Alba Græca (p. 414).