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jouit d’un avantage encore plus précieux, l’amitié d’un sage qui avait dirigé son éducation, qui préféra toujours l’honneur de son élève à ses intérêts, et ses intérêts à ses goûts. Buzurg[1], c’est le nom de ce sage, avait soutenu autrefois, dans une discussion avec les philosophes de la Grèce et de l’Inde, que le plus grand malheur que puisse avoir à supporter l’homme, c’est une vieillesse privée des souvenirs de la vertu ; et nous devons croire que ce fut d’après ce principe qu’il consentit à diriger trois ans les conseils de la Perse, il fut récompensé de son zèle par la reconnaissance et la docilité d’Hormouz, qui reconnut devoir plus à son précepteur qu’à son père. Mais lorsque l’âge et les travaux eurent diminué la force et peut-être les facultés de Buzurg, il s’éloigna de la cour et abandonna le jeune monarque à ses passions et à celles de ses favoris. Selon la fatale vicissitude des choses humaines, on vit à Ctésiphon ce qu’on avait vu à Rome après la mort de Marc-Aurèle. Les ministres de la flatterie et de la corruption, qu’avait bannis le père, furent rappelés et accueillis

  1. Buzurg-Mihir, d’après son caractère et sa position, peut être regardé comme le Sénèque de l’Orient. Ses vertus et peut-être ses fautes, sont moins connues que celles du philosophe romain, qui semble avoir été beaucoup plus parleur. C’est Buzurg qui apporta de l’Inde le jeu des échecs et les Fables de Pilpay. Tel a été l’éclat de sa sagesse et de ses vertus, que les chrétiens le réclament comme un sectateur de l’Évangile, et que les musulmans le révèrent comme ayant embrassé d’avance la doctrine du grand prophète. (D’Herbelot, Bibl. orient., p. 218.)