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prit, au nom de saint Pierre, un ton d’indépendance et de dignité que le plus illustre laïque de l’empire n’aurait pu prendre sans crime et sans danger. Il revint ensuite à Rome, chargé d’un surcroît de réputation ; et après un court intervalle donné à l’exercice des vertus monastiques, les suffrages unanimes du clergé, du sénat et du peuple, l’arrachèrent du cloître pour l’élever sur le trône pontifical. Lui seul s’opposait ou semblait s’opposer à son élévation : il supplia Maurice de ne pas confirmer le choix des Romains ; et cette humble supplication ne put servir qu’à le relever davantage encore aux yeux de l’empereur et dans l’opinion publique. Lorsque la fatale confirmation du prince arriva, il détermina des marchands à l’enfermer dans un panier, et à le conduire au-delà des portes de Rome : il se tint caché plusieurs jours au milieu des bois et des montagnes, jusqu’à ce qu’il fût découvert, dit-on, à la lueur d’un flambeau céleste.

Pontificat de Grégoire-le-Grand, ou Grégoire Ier. A. D. 590. Févr. 8. A. D. 604. Mars 12.

Le pontificat de Grégoire-le-Grand, qui dura treize ans six mois et dix jours, est une des époques les plus édifiantes de l’Église. Ses vertus et même ses fautes, une réunion singulière de simplicité et d’astuce, d’orgueil et d’humilité, de bon sens et de superstition, convenaient beaucoup à sa position et à l’esprit de son temps. Il s’éleva contre le titre antichrétien d’évêque universel que se donnait le patriarche de Constantinople son rival. [Ses fonctions spirituelles.]Le successeur de saint Pierre était trop fier pour le lui laisser, et trop faible pour le prendre lui-même. Il n’exerça sa