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les orages et les tremblemens de terre renversaient aisément ces fabriques tombant en ruines ; et les moines, qui avaient eu soin de s’établir dans les positions les plus avantageuses, triomphaient bassement de la destruction des monumens de l’antiquité[1]. On croit communément que le pape Grégoire Ier attaqua les temples et mutila les statues ; que ce Barbare fit brûler la bibliothéque Palatine, et que l’histoire de Tite-Live fut en particulier l’objet de son absurde et funeste fanatisme. Ses écrits montrent assez sa haine implacable pour les ouvrages du génie des anciens ; et il réprouve, avec la plus grande sévérité, le profane savoir d’un évêque qui enseignait l’art de la grammaire, étudiait les poètes latins, et chantait d’une même voix les louanges de Jupiter et celles de Jésus-Christ ; mais les témoignages que nous avons de sa fureur destructive sont incertains et d’une date bien plus moderne : c’est la succession des siècles qui a détruit le temple de la Paix et le théâtre de Marcellus, et une proscription formelle aurait multiplié les copies de Virgile ou de Tite-Live dans les pays qui ne reconnaissaient pas ce dictateur ecclésiastique[2].

  1. Quia in uno se ore cum Jovis laudibus, Christi laudes non capiunt, et quam grave nefandumque sit episcopis canere, quod nec laico religioso conveniat ipse considéra (l. IX, epist. 4). Les écrits de saint Grégoire attestent qu’il n’avait pas à se reprocher le goût et la littérature des auteurs classiques.
  2. Bayle (Dictionnaire critique., t. II, p. 598, 599), dans un très bon article sur Grégoire Ier ; il cite Platine sur