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Jésus-Christ. L’éclat du diadème m’a ébloui : soyez modeste et sage ; n’oubliez pas ce que vous avez été, et songez toujours à ce que vous êtes. Vous avez sous les yeux vos esclaves et vos enfans : en prenant l’autorité, prenez la tendresse d’un père. Aimez votre peuple à l’égal de vous-même ; cultivez l’affection et maintenez la discipline de l’armée ; protégez la fortune des riches, et soulagez la misère du pauvre[1] ». L’assemblée en silence ne put applaudir que par ses larmes aux conseils de l’empereur, et fut touchée de son repentir. Tibère reçut le diadème à genoux ; et Justin, que son abdication sembla rendre digne du trône, adressa au nouveau monarque les paroles que voici : « Je vivrai si vous y consentez ; si vous l’ordonnez, je dois mourir. Puisse le Dieu du ciel et de la terre inspirer à votre cœur tout ce que j’ai négligé ou oublié ! » [Mort de Justin. A. D. 578, 5 octobre.]Justin passa les quatre dernières années de sa vie dans une obscurité paisible ; sa conscience cessa d’être tourmentée par le souvenir de ces devoirs qu’il était incapable de remplir, et son choix fut justifié par le respect filial et la reconnaissance de Tibère.

Règne de Tibère II. A. D. 578, 26 sept. A. D. 582, 14 août.

Tibère était parmi les Romains de son temps le plus remarquable par l’élévation de sa taille et les agrémens de sa figure : indépendamment de ses ver-

  1. Théophylacte Simocatta (l. III, c. 11) déclare qu’il transmet à la postérité la harangue de Justin telle que ce prince la prononça, et sans vouloir corriger les fautes de langage et de rhétorique. Ce frivole sophiste n’aurait peut-être pas été en état d’en faire une pareille.