Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 8.djvu/327

Cette page a été validée par deux contributeurs.

gan ; et les raisons qu’il fit valoir montrent l’art et la politique des Barbares. S’il avait attaqué les Gépides, c’était, disait-il, dans le dessein d’anéantir un peuple que son alliance avec l’empire romain rendait l’ennemi commun des nations et l’ennemi personnel du chagan ; les Avares et les Lombards unis dans cette glorieuse querelle, la victoire était sûre et la récompense inestimable ; le Danube, l’Èbre, l’Italie et Constantinople, se trouvaient exposés sans barrière à leurs armes invincibles ; mais si le chagan hésitait ou différait de prévenir l’exécution des odieux projets des Romains, le même esprit qui avait insulté les Avares menaçait de les poursuivre jusqu’aux extrémités de la terre. Le chagan écouta avec froideur et avec dédain ces raisons spécieuses ; il retint dans son camp les ambassadeurs d’Alboin ; il prolongea la négociation, et allégua successivement son peu d’inclination et son défaut de moyens pour une si grande entreprise. Il déclara enfin le prix qu’il mettait à cette alliance ; il demanda que les Lombards lui payassent sur-le-champ la dîme de leurs troupeaux, que les dépouilles et les captifs fussent partagés également ; mais que les terres des Gépides devinssent le patrimoine des seuls Avares. Alboin, dominé par ses passions, ne balança point à souscrire à des conditions si rigoureuses ; et Justin, mécontent des Gépides dont il avait éprouvé l’ingratitude et la perfidie, abandonna ce peuple incorrigible à sa destinée, et demeura tranquille spectateur de cette lutte inégale. Cunimund, réduit au désespoir, n’en était