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vait espérer de succéder à son oncle. Il mourut dans son palais après un règne de trente-huit ans ; et les amis de Justin, fils de Vigilantia[1], profitèrent de l’instant décisif. Vers le milieu de la nuit sa maison est éveillée par un assez grand nombre de gens qui frappaient à la porte ; ils demandent à entrer, et l’obtiennent en se faisant connaître pour les principaux membres du sénat. Ces députés annoncent l’important secret de la mort de l’empereur ; ils racontent, ou peut-être ils supposent que Justinien, avant d’expirer, a choisi pour son successeur celui de ses neveux qui est le plus chéri et qui a le plus de mérite, et ils supplient Justin de prévenir les désordres de la multitude, si elle s’aperçoit au point du jour qu’elle n’a point de maître. Justin, donnant à son maintien l’expression de la surprise, de la douleur et de la modestie, se rend, selon l’avis de Sophie son épouse, à l’autorité du sénat. On le conduit au palais à la hâte et en silence ; les gardes saluent leur nouveau souverain, et à l’instant même les cérémonies martiales et religieuses de son couronnement s’accomplissent. Les officiers préposés à cet emploi le revêtent des habits impériaux, des brodequins rouges, de la tunique blanche et de la robe de pourpre. Un heureux soldat, que Justin éleva au grade de tribun, passe au cou de l’empereur le collier

  1. Dans le récit de l’avénement au trône de Justin, j’ai traduit en prose simple et concise les huit cents vers des deux premiers livres de Corippe, De laudibus Justini (Appendix Hist. bizant., p. 401-416 ; Rome, 1777).